Banière Affronter les ombres

AFFRONTER LES OMBRES

THÉÂTRE DOCUMENTAIRE

LECTURE THÉÂTRALISÉE

(D’après une commande de la Communauté de Communes Lodévois & Larzac)

Merci infiniment à toutes les personnes rencontrées, qui ont accepté d’échanger avec nous, avec curiosité et générosité. Janvier 2018

«Meftah : Cette voix insistante me souffle à l’oreille un mot qui m’obsède. Celui qui prononce ce mot prend le visage d’un garçon ou d’une fille de la classe, ils sont plusieurs de toute façon, ils disent « fils de », j’entends autre chose. « Harki ». Deux syllabes sur mes épaules, fierté ou malédiction ? Prendre son chocolat le nez dans son bol, lire, sur la toile, rechercher, les doigts sur le clavier, « Harki ». Abandon par le gouvernement français, « Harki », choisir ses vêtements empilés sur une chaise et préparés la veille ; « Harki » , le sale accueil, le sale accueil, se brosser les dents, « Hark » l’infinie question que pose ce mot à l’Histoire, « Hark ». Prendre son cartable pour aller au collège, éviter Loïc et Zakaria. Rester là, immobile, la main sur la porte, moi, petit-fils de, fier de mon grand-père ; moi qui vais devoir reconstituer peu à peu l’énigme de mon ascendance – Mais à ce moment-là, je ne le sais pas encore. »

Sarah Fourage, extrait de Affronter les ombres.

A travers un exposé scolaire, un adolescent est plongé presque malgré lui, dans l’Histoire.
A travers une rencontre de hasard deux femmes sont amenées à questionner cet insondable passé qui les a séparées, parce que l’une était fille de « Harki », l’autre pas.

« Aucune fiction ne peut dignement se mesurer à la tragédie du réel, mais je crois dans le pouvoir du récit, dans notre instinct de nous abriter au cœur de la nuit avec des contes, pour au moins, nous remémorer, à défaut de commémorer, tout événement qui puisse nous faire avancer au présent. Ce texte était une lutte. Voilà pourquoi son titre. On se sent tout petit face aux Ombres de l’Histoire de France et d’Algérie qui hantent encore, de nombreuses personnes aujourd’hui ».

Sarah Fourage

« Comment raconter à quelqu’un l’histoire de sa famille quand dès le départ tu dis : « je suis fille, fils ou petit fils, petite fille de harkis » ou « mes parents, grands-parents sont arrivées d’Algérie en 62 » ? Déjà dans le regard de ton interlocuteur un jugement historique officiel est tombé sur toi. Un jugement qui simplifie, aplanit tout. Alors, si tu as le courage et la patience, Il faut que tu recommences tout depuis le début. Il faut que tu retisses, raccommodes l’histoire de ta famille qui est un tapis parsemé de trous, de non-dits. Il faut que tu expliques toute l’Algérie sous la colonisation française, la guerre de l’indépendance, les départs précipités, les camps de réfugiés, les cités Sonacotra….. Un long parcours… Le résultat ne sera peut-être pas celui que tu espérais. Alors est-il plus simple de se taire ?« 

Sébastien Lagord

LE PROJET

En 2017, la Communauté de Commune du Lodèvois & Larzac a fait appel à la Compagnie Le Cœur à Barbe afin d’assurer l’écriture et la présentation d’un texte de fiction théâtrale inspirée de la vie des familles de harkis de Lodève.
Le travail se présente en trois étapes : la collecte de témoignages in situ avec plusieurs anciens habitants de la Cité de la Gare, le travail d’écriture du texte que la compagnie Le Cœur à Barbe a confié à Sarah Fourage, dramaturge, et enfin, la restitution de ce texte sous forme de  lectures théâtralisées.

LE CONTEXTE HISTORIQUE

Au début des années 60, afin de compenser la perte économique engendrée par la fermeture des usines textiles, la ville de Lodève s’était portée candidate pour accueillir des familles rapatriées de « Français Musulmans » , suite à la guerre d’Algérie.
Une soixantaine de familles, sorties de deux années de camps de réfugiés, arrive dans une Cité spécialement construite pour elles par la société SONACOTRA, à un kilomètre du centre-ville. Aujourd’hui, cette Cité n’existe plus. A l’entrée de la ville, les immeubles ont cédé la place à un supermarché, son parking et diverses grandes enseignes. Le tracé routier a été modifié. L’ancien quartier est méconnaissable.

Le projet d’accueil des Harkis et de leurs familles à Lodève était le suivant : les femmes travailleraient dans un atelier de tissage, et les hommes seraient embauchés dans un hameau de forestage.

A l’intérieur de la Cité, les familles s’organisèrent en une communauté particulière, faite d’une mosaïque de cultures issues de différentes régions d’Algérie. La cour centrale entre les trois bâtiments, où les enfants jouaient jusqu’à très tard le soir, la rivière proche, les longues discussions entre mamans, la salle où les papas jouaient à la belote, ont conditionné la vie des uns et des autres, au jour le jour.

En 2014, le travail de commémoration des 50 ans de la Cité de la Gare a été initié : la mémoire collective, la vie partagée et les souvenirs individuels ont été retracés à travers deux expositions : « Il était une fois la Cité de la Gare » et « Fragment des Lisses ». Des conférences-débat ont été organisées, des lectures réalisées. Le montage de ces expositions a permis de découvrir des textes d’une grande qualité et des témoignages poignants, notamment le mémoire de Denise Vernay écrit en 1976 et une monographie de la Cité de la Gare.
Toutes les rencontres faites durant ces événements ont conforté l’idée d’aller plus loin. Au fur et à mesure de l’avancée de ce travail de commémoration, la nécessité de mettre en scène ces histoires sous la forme d’une fiction s’est imposée.

LA SAVONNERIE

L’histoire du tapis en France débute avec la fondation par Henri IV de la manufacture de tapis façon de Perse et Levant établie dans les galeries du Louvre. Louis XIII développe la manufacture en installant les ateliers dans les bâtiments d’une ancienne fabrique de savon (d’où le nom de Savonnerie), qui depuis, désigne les tapis réalisés selon la technique du point noué, dit de Turquie.

C’est dans le contexte de la fin de la guerre d’Algérie, en 1962 que des épouses d’anciens harkis sont recrutées à la demande de la ville de Lodève par un ancien chef d’atelier de tissage de tapis à Tlemcen, Octave Vitalis, lui aussi rapatrié d’Algérie. Il s’agit d’utiliser et de mettre en valeur les connaissances traditionnelles que possèdent ces femmes de l’art du tissage, afin de redonner vie à une industrie textile autrefois florissante. En 1964 les bâtiments sont érigés un peu à l’extérieur de la ville et les familles des ouvrières sont installées à proximité, dans la toute nouvelle Cité de la Gare.

Le petit atelier lodévois attire bientôt l’attention du Mobilier National qui le prend sous sa coupe en 1965. En 1987, aux vues de la qualité de la production, une ultime formation aux techniques de la Savonnerie et à l’art contemporain est dispensée par la Manufacture de Paris aux liciers de Lodève. Dans le même temps, l’atelier reçoit des équipements neufs et de vastes et lumineux bâtiments sont construits.

La Manufacture de la Savonnerie de Lodève, devenue annexe de la Manufacture de la Savonnerie parisienne, tisse quelques copies de tapis anciens, mais les deux ateliers de Paris et de Lodève interprètent essentiellement des cartons de créateurs contemporains.

Tapis, François-Xavier Lalanne

L' EQUIPE ARTISTIQUE

ÉCRITURE
Sarah Fourage
MISE EN LECTURE
Sébastien Lagord
COMÉDIENS
Azyadé Bascunana
Lison Rault
Evelyne Torroglosa
Ismail Belhaine Khaled

LECTURES

Quatre lectures ont eu lieu en 2018

Les 4 et 5 avril à La Savonnerie de Lodève
(accueillie en partenariat avec Le Label ville d’art et d’histoire de Lodève, le Mobilier National et la Savonnerie de Lodève).
Le 9 avril à la Bulle Bleue à Montpellier
Le 25 septembre au Corum de Montpellier
(accueillie en partenariat avec L’Office National des Anciens Combattants et la Ville de Montpellier)

AFFRONTER LES OMBRES de Sarah Fourage
est paru le 6 mai 2021 aux éditions L’ espace d’un instant

PRESSE